L’état critique de nos cours d’eau ne leur permet pas de supporter des pressions supplémentaires (Fiche 1). Le développement de nouveaux ouvrages hydroélectrique doit être sérieusement revu à la baisse, ce qui est tout à fait acceptable compte tenu de la faible contribution attendue de l’hydroélectricité dans les objectifs de la PPE (Fiche 2).
« L’AE recommande à l’État …. de considérer l’atteinte du bon état écologique des eaux comme prioritaire, sur les axes non encore aménagés, dans la nécessaire conciliation des objectifs de la DCE avec ceux de la programmation pluriannuelle de l’énergie. » [1]
Focaliser les aides sur les véritables enjeux du parc d’hydroélectricité dans le contexte de la transition écologique, c’est à dire en maintenir la pilotabilité et la souplesse d’intervention (Fiche 3) et si possible l’accroitre, tout en améliorant son insertion environnementale.
Stopper définitivement les nouveaux équipements de petite hydraulique
Le développement de la petite hydraulique, fonctionnant au fil de l’eau, sans intérêt pour la souplesse du parc, non compétitive face aux autres sources électrogènes renouvelables [2], fortement impactant pour les milieux aquatiques, notamment par sa pullulation [3], en particulier sur les têtes de bassins, doit être stoppé. « Compte tenu de leur coût plus élevé et de leur bénéfice moins important pour le système électrique au regard de leur impact environnemental, le développement de nouveaux projets hydroélectriques [4] de faible puissance doit être évité sur les sites présentant une sensibilité environnementale particulière. » [5].
Le développement des chutes au fil de l’eau en site vierge doit être limité [6] et l’équipement des seuils existants doit être mis en balance avec leur effacement en particulier lorsqu’ils menacent les réservoirs biologiques et sur les cours d’eau habités par des espèces amphihalines.
Les appels d’offre annuels « petite hydraulique » actuellement prévus jusqu’en 2023 sont menés sans transparence (pas de réelle concurrence, choix discrétionnaire entre des réponses non connues), excluent les aménagements des chutes sur les réseaux existants (AEP, assainissement…) et le turbinage des débits réservés pérennisent des ouvrages impactants alors qu’il faudrait les effacer [7]. Au fil des appels d’offre, l’environnement naturel est de moins en moins pris en compte dans l’appréciation des projets à travers des critères relatifs et « à géométrie variable ». Tout cela conduit bien souvent à de mauvais projets qui suscitent le rejet. Ces appels d’offre doivent être suspendus sine die et les fonds qui y sont mobilisés redirigés vers les priorités de la transitions écologiques.
Mettre le paquet sur la rénovation des sites existants notamment les concessions
Jusqu’aux années 1960, l’hydraulique, très proche du parc actuel, faisait jeu égal avec le thermique, constitué à ce moment-là de centrales minières au charbon que l’on n’hésitait pas à utiliser comme réserve tournante pour assurer les pointes et des centrales au fuel qui sont restées compétitives jusqu’aux chocs pétroliers des années 70 et 80.
La majorité du parc hydroélectrique actuel a donc été réalisé dans un contexte énergétique qui était très différent de ce qu’il est aujourd’hui. Les techniques de génie civil (qui forme l’essentiel des coûts d’établissement de l’hydraulique) étaient très différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui sans parler bien sur des progrès techniques dans l’électromécanique. Certains ouvrages sont atteints par la « maladie du béton » et devront à terme être reconstruits (le Chambon sur la Romanche, Castelnau-Lassouts sur le Lot pour en citer deux …). La valorisation de la production hydroélectrique était sans doute moindre que celle qu’on lui attribuerait aujourd’hui, ce qui conduit à un certain sous-équipement des chutes anciennes.
A titre d’exemple, si l’on examine l’équipement du Rhône (25% de la production hydroélectrique nationale environ) on ne peut qu’être frappé par le sous équipement de tout le bas Rhône et, en particulier, les chutes les plus anciennes. (Donzère-Mondragon, Montélimar…).
Si cet effort d’équipement était réalisé aujourd’hui, on aboutirait à un parc bien différent.
Tout cela pour attirer l’attention sur le potentiel de modernisation du parc existant et son adaptation à la transition écologique et au changement climatique. La PPE indique un potentiel de 400 MW sans autre précision (mais quid du productible ?)… qui le connaît vraiment ?
On peut constater que la modernisation d’anciens ouvrages comme ceux de Chancy-Pougny (Franco-Suisse) et de Verbois (Suisse) sur le Rhône ont conduit à des gains substantiels tant en énergie (productible) qu’en puissance. Rappelons que nos 400 ouvrages publics concédés représentent 90% du productible et la totalité de l’hydroélectricité pilotable (Fiche 5). Pourquoi continue-t-on à aider au développement des petites centrales [8] alors que nous ne faisons rien pour le parc d’ouvrages concédés ?
Nous sommes favorables à des suréquipements de chutes existantes, sur le Rhône et ailleurs comme à Gavet sur la Romanche [9], surtout celles augmentant la souplesse d’intervention du parc si les effets de leurs éclusées en sont maitrisés (c’est ce que font nos voisins Suisses, c’est ce que fait EDF à la Bathie-Roselend). Nous sommes favorables à certaines extensions de chutes concédées existantes (ce que termine EDF à la Coche [10] n’a pas appelé de réaction de notre part) ce qui renvoie à leur renouvellement pour les plus anciennes d’entre elles.
Station de Transfert d’Energie par Pompage (STEP)
Actuellement, le stockage d’eau en altitude apparaît comme une des solutions présentant le meilleur rendement (plus de 70%) et la plus longue durée. Cependant ces installations sont aussi très coûteuses, de construction longue (10 ans) et très dommageables à l’environnement. Les sites d’importances sont connus, ceux de taille inférieure le sont moins mais ils sont aussi plus coûteux et leur multiplication serait source d’effets cumulatifs sur l’environnement, difficiles à maitriser. Par ailleurs l’évolution des techniques (batteries, hydrogène, Power-to-gas, réseau intelligent) comme celle des usages ( mobilité électrique, maitrise de l’énergie,…) fragilise la position économique des STEP rendant plus difficile l’estimation de leur intérêt à moyen et long terme.
En ce qui concerne les STEP nous remarquons :
- qu’une partie du besoin de stockage et de pilotage peut être satisfait en superposant des groupes de pompage turbinage sur des réservoirs existants : cela a été fait à Bissorte (Maurienne) mais aussi à moindre échelle à Vouglans (Ain) et Sainte Croix (Verdon), cela pourrait être fait au Chambon (Romanche) et ailleurs (Fiche 3))
- que le besoin de stockage ne s’affirme pas avant 2035 selon RTE, qui plus est dans un contexte électrique très différent de celui d’aujourd’hui (voir supra) et, sans doute, difficilement prévisible, indépendamment de la contribution accrue de sources électrogènes variables.
- que la PPE n’identifie ce besoin que de façon très imparfaite puisque le temps de cycle [11] des 1,5 ou 2GW prévus n’est pas donné alors que ce paramètre essentiel conditionne le volume des réservoirs et donc, en grande partie, l’impact environnemental [12].
- que des technologies existantes (pompes turbines à vitesse variable) et disponibles sur le marché (et maitrisées par GE Hydro ex Alsthom à Grenoble) pourraient accroitre l’efficacité (5% ?) des 6 principales STEP existantes en France.
- que la rentabilité économique des STEP a du mal à s’imposer, preuve en est la déconvenue des Suisses [13] qui voulait faire de leur pays la pile électrique de l’Europe
Bref pour les STEP en site vierge, il serait urgent…de ne pas trop se presser
Il y a donc beaucoup à faire en matière d’hydraulique tout en diminuant les impacts sur l’environnement. Aussi nous ne comprenons ni n’acceptons qu’aujourd’hui des fonds publics soient engagés pour détruire notre patrimoine naturel avec des infrastructures nouvelles en sites vierges, alors que la modernisation de l’existant reste en déshérence.
Potentiel d’optimisation des centrales concédées existantes
(Domaine Public hydroélectrique qui représente 90 % du
productible et 92 % de la Puissance installée en France Métropolitaine)
Il est difficile d’estimer le potentiel d’optimisation des chutes existantes en raison de sa sensibilité au temps de retour souhaité de l’investissement économique qu’il représente. Cette maitrise réclame à la fois une bonne connaissance de la chute que l’on souhaite améliorer, la maitrise des techniques électromécaniques et la capacité de fabrication de groupes parfaitement adaptés au projet de modernisation envisagé.
L’éventualité d’une mise en concurrence du renouvellement des concessions donne un atout important au candidat à la reprise qui saura proposer des améliorations performantes. Les investissements qu’il proposera constitueront le cœur de son offre et la maitrise des couts lui permettra de se différencier des offres concurrentes. De ce fait, ces données ont un caractère sensible qui les rend inaccessibles alors que le silence des services de l’État, compétents en la matière, accrédite leur incapacité à y pallier : le seul chiffre officiel est celui de la PPE soit 400 MW mais aucune estimation de productible n’y est attaché.
On peut se raccrocher à un document accompagnant le SDAGE du Bassin Rhône Méditerranée 2010-2015 (« Évaluation du potentiel hydroélectrique du bassin Rhône Méditerranée » n° RM07-B44_B, 30/10/2007, 45 pages réalisé par les cabinets ISL et Asconit). Au moment de la parution de ce document, tout le monde en France s’accordait sur le fait que la préférence donnée au concessionnaire sortant allait entrainer la très grande stabilité des concessionnaires au moment des renouvellements qu’il s’agisse de la CNR sur le Rhône, la SHEM dans quelques vallées des Pyrénées ou du Massif central ou d’EDF pour la quasi-totalité des concessions restantes. On peut donc penser que les concessionnaires ont fait preuve de réalisme...et de franchise dans les propos rapportés par ce document : « Les potentiels d’optimisation, de suréquipement et de turbinage des débits réservés des centrales existantes ont été
fournis par les producteurs. Ils sont synthétisés dans le tableau ci-dessous (Page 42) :
Bassin Rhône Méditerranée | Puissance | Productible |
---|---|---|
Potentiel d’optimisation et de suréquipement des centrales existantes | 975 MW | 1540 GWh |
Potentiel de turbinage des débits réservés | 25 MW | 202 GWh |
Potentiel d’optimisation et de suréquipement des centrales du Rhône | 417 MW | 1410 GWh |
On constate le très fort sous équipement du Rhône ( 1410 /417 = 3380 h) qui, avec deux fois moins de puissance installée supplémentaire, fait jeu égal avec l’optimisation et le suréquipement de toute les autres centrales du Bassin (60% de la puissance française métropolitaine !), le chiffre « PPE » officiel de 400 MW pour toute la France métropolitaine apparaissant comme 3,5 fois inférieur aux estimations des exploitants sur le seul bassin Rhône
Méditerranée !
Dans les autres bassins, il existe également un potentiel d’optimisation. Par exemple dans le bassin Adour Garonne qui occupe le deuxième rang par ordre d’importance pour la production hydroélectrique après le bassin Rhône Méditerranée « un potentiel estimé d’optimisation des installations existantes (équipements de sites existants, turbinage des débits réservés, équipements d’autres ouvrages,...) » a été estimé et on trouve ( page 14 du document correspondant à ce bassin) le tableau suivant :
Bassin Adour Garonne | Puissance | Productible |
---|---|---|
Potentiel d’amélioration ( rendement, débit dérivé...) | 1325 MW | 1584 GWh |