« Isolation des bâtiments » vs « centrale hydroélectrique du petit Tabuc »
Jacques Pulou, 1er mars 2021
Notre pays a depuis longtemps oublié de se poser la question de l’efficience dans ses investissements public. Cela se vérifie dans beaucoup de domaines. Nous allons voir ce qu’il en est dans le domaine de l’énergie [1].
Comme cela est bien connu, une des sources principales des émissions de GES dans notre pays concerne le chauffage des bâtiments [2]. On estime qu’un bâtiment très bien isolé va consommer annuellement 50kWh par m2.
Par ailleurs il existe des bâtiments anciens dont la consommation peut être dix fois plus grande (« passoire thermique » avec des consommation situées autour de 500kWh/m2). Entre les deux, on trouve des bâtiments dont la consommation de chauffage s’échelonne entre ces deux extrêmes.
La rénovation thermique de ces bâtiments permet de passer d’une « passoire thermique » à un bâtiment très bien isolé. A plus forte raison il en est de même pour un bâtiment aux performances intermédiaires.
Dans la littérature sur le sujet on trouve que la rénovation thermique des bâtiments peut être obtenue avec un coût rapporté au m2 s’échelonnant entre 230 et 430€[https://decrypterlenergie.org/quel-est-le-vrai-prix-de-la-renovation-energetique-performante-et-peut-on-se-le-permettre]].
Nous nous proposons dans la suite d’estimer la réduction des émissions de gaz à effet de serre que nous pouvons obtenir pour chaque euro investi dans une rénovation de bâtiment en fonction de la performance énergétique du bâtiment et du type d’énergie utilisée pour le chauffer. Dans un deuxième temps nous comparerons cet investissement avec celui consistant à construire la centrale du petit Tabuc.
Une des données de base de ce calcul est le chiffre des émissions de GES en fonction de la source de chauffage, rapporté au kWh fourni et à la surface du logement.
Ces chiffres sont donnés par l’ADEME [3] et reproduits dans le tableau ci-après pour trois sources de chauffage très populaires. L’unité choisie est l’équivalent CO2 (eCO2).
Radiateur électrique | 147 g eCO2/kWh |
---|---|
Chaudière gaz | 227 g eCO2/kWh |
Chaudière fioul | 324 g eCO2/kWh |
L’effet d’une opération de rénovation, sur les émissions annuelles de gaz à effet de serre, rapporté à la surface est donné par le tableau ci-dessus en fonction de l’énergie utilisée pour le chauffage et le niveau thermique du bâtiment.
Consommation initiale (kWh/m2/an) | Gain après rénovation (kWh/m2/an) | Gain g eCO2/m2 (radiateur électrique) | Gain g eCO2/m2 (gaz) | Gain g eCO2/m2 (fioul) |
---|---|---|---|---|
<eco|niveau=A|texte=50> | <eco|niveau=A|texte=0> | 0 | 0 | 0 |
<eco|niveau=B|texte=90> | <eco|niveau=B|texte=40> | 5880 | 9080 | 12960 |
<eco|niveau=C|texte=150> | <eco|niveau=C|texte=100> | 14700 | 22700 | 32400 |
<eco|niveau=D|texte=230> | <eco|niveau=D|texte=180> | 26460 | 40860 | 58320 |
<eco|niveau=E|texte=330> | <eco|niveau=E|texte=280> | 41160 | 63560 | 90720 |
<eco|niveau=F|texte=450> | <eco|niveau=F|texte=400> | 58800 | 90800 | 129600 |
Enfin, l’effet d’une opération de rénovation sur les émissions annuelles de gaz à effet de serre rapporté à l’euro investi est donné par le tableau suivant (pour chaque source d’énergie, 2 colonnes correspondent aux deux extrêmes de la fourchette donnée pour la rénovation thermique (230 et 430 €/m2 : voir supra).
Consommation initiale (kWh/m2/an) | Gain après rénovation (kWh/m2/an) | Gain (Radiateur électrique)g eCO2/ € (430€/m2) | Gain (Radiateur électrique)g eCO2 / € (230€/m2) | Gain (gaz )g eCO2/ € (430€/m2) | Gain (gaz)g eCO2/ € (230€/m2) | Gain (fioul)g eCO2/ € (430€/m2) | Gain (fioul)g eCO2/ € (230€/m2) |
---|---|---|---|---|---|---|---|
<eco|niveau=A|texte=50> | <eco|niveau=A|texte=0> | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
<eco|niveau=B|texte=90> | <eco|niveau=B|texte=40> | 14 | 26 | 21 | 39 | 30 | 56 |
<eco|niveau=C|texte=150> | <eco|niveau=C|texte=100> | 34 | 64 | 53 | 99 | 75 | 141 |
<eco|niveau=D|texte=230> | <eco|niveau=D|texte=180> | 62 | 115 | 95 | 178 | 136 | 254 |
<eco|niveau=E|texte=330> | <eco|niveau=E|texte=280> | 96 | 179 | 148 | 276 | 211 | 394 |
<eco|niveau=F|texte=450> | <eco|niveau=F|texte=400> | 137 | 256 | 211 | 395 | 301 | 563 |
Réduction des émissions de GES obtenue par le projet de centrale hydroélectrique sur le petit Tabuc
D’après la base carbone de l’ADEME établie par le centre de ressources sur les bilans de gaz à effet de serre [4], la valeur moyenne d’émissions de CO2 par kWh consommé en France correspond à 0,0571 kg CO2/kWh en 2018 [5]. Pour la production hydraulique spécifiquement, cette valeur moyenne d’émissions de CO2 est de 0,003 kg CO2/kWh.
La centrale du Petit Tabuc fournirait en moyenne annuelle 2430 MWh/an. Elle permettrait d’économiser (0,0571-0,003) x 2430.000= 131.463 kg de CO2 par an
La centrale du Petit Tabuc coûte 2,9 M€ aux deniers publics investis sur 20 ans [6]. La centrale du petit Tabuc permettrait d’économiser 45 g de CO2 par an et par euro investi.
Si l’on compare ces 45g avec les différentes valeurs de réduction en émission de CO2 que l’on peut attendre de chaque euro investi dans l’isolation des bâtiments (cf. tableau précédent) on peut voir que ces derniers sont pratiquement toujours supérieurs à 45 g de CO2 (chiffres indiqués en rouge). Dans certain cas, le gain de l’isolation est même 5 à 10 fois supérieur ! Sur le plan de la lutte contre le changement climatique, pour une somme identique l’isolation des bâtiments s’avère bien plus efficiente que la production hydroélectrique du petit Tabuc !
Conclusion :
A l’exception des bâtiments les plus isolés sur lesquels tout investissement est inutile, pratiquement [7] tous les investissements d’isolation thermique dans le bâtiment sont plus efficients que la construction de la centrale du petit Tabuc en ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cet investissement est d’autant plus efficace que le bâtiment est mal isolé (« passoires thermiques »). De plus, l’investissement dans l’isolation des bâtiments fera baisser la facture chauffage de leurs occupants (ménages, entreprises administrations…) alors que l’investissement dans la centrale du petit Tabuc alourdira les charges du service public de l’électricité supportées par l’État c’est à dire par tous les contribuables. [8]. La centrale du petit Tabuc apparaît donc bien comme investissement d’inutilité publique absolue !
Il est en tout cas à déconseiller fortement, si toutefois on cherche à atteindre les objectifs de la COP21.